La copropriété peut-elle contester la mise en location de mon appartement sur Airbnb ?
- pkgvillards
- 6 janv.
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Si vous êtes copropriétaire et souhaitez proposer votre logement en location saisonnière, vous vous demandez sans doute si la copropriété peut s’y opposer. Tout dépend de son règlement, de la destination initiale de votre bien et de l’immeuble.
La plupart des locations saisonnières en copropriété concernent des biens destinés à l’habitation conformément au règlement de copropriété. Il arrive également que certains propriétaires transforment des locaux commerciaux situés en rez-de-chaussée pour les consacrer à la location de courte durée.
Dans les deux cas, la copropriété peut contester cette activité, qui déroge à l’usage initial du bien et ne respecte pas le règlement de copropriété ou la destination de l’immeuble. La résolution de ce type de conflit repose essentiellement sur l’analyse détaillée de votre règlement de copropriété et de son interprétation. Gardez à l’esprit que la jurisprudence est fluctuante. En cas de désaccord persistant, seul un juge pourra trancher.
Vous n’avez pas besoin d’autorisation préalable
C’est le règlement de copropriété qui détermine si, oui ou non, une location saisonnière est possible. Si celui-ci ne prévoit rien à ce sujet, vous êtes, en principe, libre de louer. L’assemblée générale des copropriétaires ne peut décider le contraire (1). La justice a ainsi estimé qu’en l’absence de disposition particulière dans le règlement de copropriété, une commune ne pouvait pas exiger un vote des copropriétaires réunis en assemblée pour autoriser cette activité (2). De plus, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition du projet de la loi Alur qui permettait à l’assemblée des copropriétaires d’imposer son accord préalable à un changement d’usage afin de pratiquer la location de courte durée. Il considérait que cela portait une atteinte disproportionnée aux droits de chacun des copropriétaires (3). L’assemblée générale ne peut donc rien décider à elle seule, et vous n’avez pas à lui demander une quelconque autorisation.
En revanche, si votre règlement de copropriété mentionne explicitement la location touristique, vous devrez en respecter les termes. S’ils sont ambigus, il sera peut-être nécessaire de demander au juge de les interpréter. Certaines clauses interdisant cette activité peuvent être remises en question si elles ne sont pas justifiées par la « destination » de l’immeuble, c’est-à-dire son usage (habitation, commerce, etc.). Sachez, par ailleurs, que l’assemblée générale est désormais habilitée à voter la modification du règlement de copropriété aux deux tiers des voix pour interdire les locations saisonnières dans les résidences secondaires.
À savoir
Dans certaines communes, la location de courte durée de locaux destinés à l’habitation constitue un changement d’usage qui doit être autorisé par l’administration (14). Renseignez-vous auprès de votre mairie en cas de doute. Cette autorisation administrative n’est toutefois pas nécessaire si l’habitation louée est votre résidence principale, à condition de ne pas dépasser 120 jours de location par an (ou 90 jours dans les communes ayant fixé cette limite).
La clause d’habitation bourgeoise n’est pas un obstacle
La copropriété s’oppose souvent à la location saisonnière en invoquant une clause « d’habitation bourgeoise » dans le règlement de copropriété. Cette disposition exclut la location saisonnière, en raison des perturbations qu’elle engendre. Les allées et venues fréquentes des locataires temporaires peuvent compromettre la tranquillité de l’immeuble et son ambiance résidentielle. De plus, dans certaines communes, l’activité de location saisonnière nécessite un changement d’usage soumis à une autorisation administrative (4). La copropriété peut alors invoquer le fait que cette activité de nature commerciale ne respecte pas la destination ou l’usage de l’immeuble voué à l’habitation.
La jurisprudence donne parfois raison à la copropriété. Par exemple, la Cour de cassation a estimé que des « hôtels studios meublés » qui proposaient des prestations de services dans une copropriété contrevenaient à la destination d’habitation de l’immeuble (5). Cependant, des décisions récentes vont plutôt dans un sens favorable aux bailleurs. La Cour de cassation a récemment jugé que la location meublée de courte durée, lorsqu’elle n’est pas assortie de services accessoires « ou seulement de prestations mineures ne revêtant pas le caractère d’un service para-hôtelier », ne peut être considérée comme une activité commerciale et reste compatible avec une destination exclusivement d’habitation (6). Un argument à présenter à votre syndic s’il conteste la location saisonnière d’un logement vous appartenant. Attention, cela ne vous dispense pas de demander les autorisations administratives nécessaires.
De nouvelles restrictions pour les locations saisonnières
Le législateur vient de durcir les règles encadrant les locations de meublés touristiques, avec notamment une réduction des avantages fiscaux, de nouvelles obligations énergétiques et le pouvoir des maires et des communes de restreindre la location de courte durée (13). Désormais, les copropriétés qui interdisent toute activité commerciale en dehors des lots destinés à cet usage pourront modifier leur règlement, par un vote à la majorité des deux tiers, pour proscrire la location meublée touristique dans les habitations autres que les résidences principales. Quant aux nouveaux immeubles, leur règlement de copropriété devra prévoir une mention autorisant ou non ce type de location. Enfin, il faudra déclarer l’activité au syndic.
L’activité locative est possible dans un local commercial
Si le règlement de copropriété attribue un usage commercial à votre logement (ce qui est souvent le cas pour ceux situés au rez-de-chaussée), vous échappez aux interdictions de location imposées aux biens à usage d’habitation. Vous pouvez donc en principe le louer ponctuellement tout au long de l’année.
Mais il faut tout de même vérifier si le règlement de copropriété n’émet pas des réserves à ce sujet. Il peut interdire expressément la location saisonnière, ou n’autoriser que certaines activités particulières dont ne fait pas partie cette dernière. Dans ce cas, vous vous exposez à une assignation en justice, si vous louez. Vous aurez toutefois la possibilité de contester la clause interdisant la location touristique devant un tribunal si vous estimez qu’elle est abusive ou injustifiée.
Dans le code de l’urbanisme, il existe une sous-catégorie « hébergement hôtelier » (7) à l’intérieur de la catégorie « commerce et activités de service ». Si votre bien est à usage commercial, vous ne changez pas de destination mais seulement de sous-destination et n’avez donc pas besoin d’agrément (8). De nombreuses communes imposent néanmoins une autorisation pour la location d’un local en meublé de tourisme même s’il n’est pas à usage d’habitation (9). Il est donc important de vous renseigner auprès de votre commune.
Si vous envisagez des travaux dans le local commercial en vue de le destiner à des locations saisonnières, il sera nécessaire de déposer une déclaration préalable ou de faire une demande de permis de construire (10). Faute de quoi, vous risquez une amende (11).
À savoir
Le syndicat des copropriétaires a 5 ans, à compter du jour où il a eu connaissance d’une location saisonnière violant les dispositions du règlement de copropriété, pour agir en justice (15). Tout copropriétaire peut faire de même. Il n’a pas à prouver que cela lui cause un préjudice.
Évitez les nuisances excessives
Même si vous respectez le règlement de copropriété, la destination de l’immeuble et vos obligations administratives, votre activité locative ne doit pas générer de nuisances excessives pour les autres copropriétaires (12). Vous pourriez, sinon, être condamné à payer des dommages et intérêts à la copropriété ou aux copropriétaires concernés. En outre, la copropriété pourrait invoquer ces nuisances pour agir contre vous et vous interdire de louer. Veillez à ce que vos locataires respectent les règles que vous fixez dans le contrat de location pour éviter les problèmes.
Références
(1) Article 26 de la loi n° 65-557 du 10.7.65. (2) Tribunal administratif de Nice du 31.1.24, n° 2104077. (3) Conseil constitutionnel du 20.3.14, n° 2014-691DC. (4) Art. L 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation (CCH). (5) Cour de cassation 3e chambre civile (cass. civ. 3e) du 8.3.18, n° 14-15.864. (6) Cass. civ. 3e du 25.1.24, n° 22-21.455. (7) Art. R 151-27 et 28 du code de l’urbanisme (CU). (8) Cour administrative d’appel de Paris du 17.5.23, n° 22PA03709. (9) Art. L 324-1-1 IV bis du code du tourisme. (10) Art. R 421-14, c et art. R 421-17, b du CU. (11) Art. L 480-4 du CU et cass. crim du 3.9.24, n° 23-85.489. (12) Art. 9 de la loi du 10.7.65. (13) Loi n° 2024-1039 du 19.11.24. (14) Art. L 631-7 du CCH. (15) Art. 42 al. 1er de la loi du 10.7.65.
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