
Dans un arrêt du 9 janvier 2025 (pourvoi n° 23-13.334), la troisième chambre civile de la Cour de cassation a tranché une question essentielle pour les copropriétaires. Peuvent-ils exiger la communication de la feuille de présence d’une assemblée générale ? Ce document, qui atteste de la participation des copropriétaires aux décisions collectives, est souvent au cœur des litiges. L’affaire opposait un propriétaire à son syndicat de copropriété et à son syndic, la société Unitia. Après un refus de communication, la justice a dû statuer. Cet article revient sur les implications de cette décision et sur les droits des copropriétaires en matière d’accès aux documents de gestion.
Qu’est-ce qu’une feuille de présence en copropriété ?
La feuille de présence est un document fondamental pour la gestion d’une copropriété. Lors de chaque assemblée générale, les copropriétaires doivent la signer afin d’attester de leur présence et de leur participation aux votes. Elle mentionne le nom des copropriétaires présents ou représentés, le nombre de voix dont ils disposent ainsi que les mandats qu’ils ont éventuellement accordés.
Ce document a une valeur légale et permet de vérifier si les décisions prises respectent les règles de majorité fixées par la loi. L’article 14 du décret du 17 mars 1967 précise, en effet, que :
“Lors de chaque assemblée générale, il est tenu une feuille de présence, émargée par les copropriétaires présents et par les mandataires des absents.”
Elle constitue donc une annexe du procès-verbal d’assemblée générale, et sa conservation est obligatoire. L’article 33 du décret du 17 mars 1967 prévoit également que le syndic doit en fournir une copie sur simple demande :
“Le syndic délivre, en les certifiant, des copies ou extraits des procès-verbaux des assemblées générales, ainsi que des copies des annexes de ces procès-verbaux.”
Un litige autour de l’accès à la feuille de présence
Dans cette affaire, un copropriétaire, M. [P], souhaitait obtenir les feuilles de présence des assemblées générales des 25 mai 2016 et 21 juin 2017. Il avait également demandé des copies de factures d’un ancien syndic. Mais, son syndic actuel, la société Unitia, ainsi que le syndicat des copropriétaires, ont refusé de lui fournir ces documents.
Saisi du litige, la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 7 décembre 2022, a rejeté la demande de M. [P]. Selon les juges, il devait réclamer ces documents dans le cadre d’une autre procédure qu’il avait engagée.
Toutefois, la Cour de cassation, dans son arrêt du 9 janvier 2025, a annulé cette décision. Elle a rappelé que la feuille de présence étant une annexe du procès-verbal d’assemblée générale, le syndic est tenu d’en fournir une copie au copropriétaire qui en fait la demande. Elle a ainsi censuré l’arrêt d’appel en indiquant :
“En statuant ainsi, alors que la feuille de présence est une pièce annexe du procès-verbal d’assemblée générale dont le syndic est tenu de délivrer copie ou extrait certifié conforme au copropriétaire qui en fait la demande, la cour d’appel a violé les textes susvisés.”
Les obligations légales des syndics en matière de communication des documents
Le cadre juridique qui régit l’accès aux documents de copropriété est très clair. L’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 impose au syndic d’assurer la gestion transparente de l’immeuble et de garantir la mise à disposition des pièces justificatives.
De son côté, l’article 33 du décret du 17 mars 1967 oblige le syndic à transmettre, sur demande, des copies certifiées des procès-verbaux et de leurs annexes, ce qui inclut la feuille de présence. En conséquence, un syndic ne peut pas refuser de communiquer ce document, ni exiger de justification particulière de la part du copropriétaire demandeur.
Toute violation de cette obligation peut entraîner des sanctions juridiques et financières.
Quels recours en cas de refus du syndic ?
Lorsqu’un syndic refuse de communiquer une feuille de présence, plusieurs solutions s’offrent au copropriétaire concerné. Il peut tout d’abord adresser une mise en demeure au syndic par lettre recommandée avec accusé de réception. Ce courrier doit rappeler au syndic ses obligations légales et lui fixer un délai pour répondre.
Si cette mise en demeure reste sans effet, il est possible de saisir le tribunal judiciaire. Le juge pourra alors ordonner au syndic de transmettre le document sous astreinte. Notons que la jurisprudence a déjà confirmé que le refus de communication constitue une faute. Ainsi, le syndic qui refuse de délivrer un document légalement accessible au copropriétaire engage sa responsabilité et peut être condamné au paiement de dommages et intérêts.
En dernier recours, un copropriétaire peut proposer la mise en concurrence du syndic lors de la prochaine assemblée générale afin de le remplacer. Mais, il vaut mieux ne pas en arriver à cette extrême.
Les conséquences de cet arrêt pour les copropriétaires et les syndics
L’arrêt du 9 janvier 2025 renforce la transparence des copropriétés et rappelle aux syndics leurs obligations.
Pour les copropriétaires, cette décision leur garantit un accès facilité aux documents de gestion et leur permet de contester plus facilement une décision irrégulière. Désormais, ils savent qu’ils peuvent exiger ces documents sans crainte d’un refus illégal.
Pour les syndics, cette décision signifie une obligation renforcée de respecter le droit à l’information des copropriétaires. Tout refus injustifié peut donner lieu à des sanctions financières. D’ailleurs, dans cette affaire, la Cour de cassation a condamné le syndic Unitia et le syndicat des copropriétaires à verser 3 000 euros à M. [P] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Droits des copropriétaires et obligations des syndics sur la feuille de présence
Conclusion
L’arrêt du 9 janvier 2025 (pourvoi n° 23-13.334) marque une avancée majeure pour la transparence et la gestion des copropriétés. Il réaffirme que la feuille de présence d’une assemblée générale est un document auquel tout copropriétaire a droit. Le syndic ne peut s’y opposer sous aucun prétexte.
En cas de refus, les copropriétaires disposent de plusieurs recours, notamment la mise en demeure, la saisine du tribunal et des sanctions judiciaires. Cette jurisprudence constitue ainsi une protection supplémentaire pour les propriétaires qui souhaitent s’assurer du bon fonctionnement de leur copropriété.
Toute personne confrontée à un refus de communication d’une feuille de présence doit donc connaître ses droits et ne pas hésiter à les faire valoir. Désormais, les syndics doivent se conformer à cette obligation sous peine de sanctions.
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